Notre histoire
Formation de l’asbl « Oser La Vie »
Tout a commencé en février 2004, lors de la diffusion dans l’émission « Actuel » du reportage ” la nouvelle stratégie du diable “. réalisée par Elisabeth BURDOT et Edith VAN HOVE (RTBF) : On y décrit le drame des enfants dits sorciers de Kinshasa. Touchés profondément par ce documentaire, mon mari et moi décidons de sensibiliser notre entourage à ce sujet.
Peu après, nous sommes partis à Kinshasa nous rendre compte nous même de la situation. Nous avons visité bon nombre de centres et maisons d’hébergement pour enfants des rues. Nous avons découvert et côtoyé la misère, le rejet et le mépris dans lesquels vivent quotidiennement ces enfants accusés de posséder un pouvoir maléfique capable de déstabiliser toute une Nation.
Après avoir reçu divers avis, des témoignages de victimes et des conseils d’un pédopsychiatre, nous avons décidé de nous investir dans la lutte contre cette maltraitance ainsi que ce crime dont sont victimes des enfants vulnérables et fragilisés (soit par la perte d’un ou de deux parents, soit par les divorces, soit par la pauvreté).
C’est ainsi que OSER LA VIE Kinshasa a été créée le 07/07/2004.
A notre retour en Belgique, nous avons crée OSER LA VIE Belgique le 25/10/2004.
Ces associations sœurs sont complémentaires, l’une joue le rôle en Belgique de collecte de fonds et de recherche de dons et des parrains ou marraines pour les enfants, l’autre assure à Kinshasa le suivi et l’accompagnement tant scolaire, social que psychologique des enfants que nous soutenons.
Les enfants dits « sorciers » de Kinshasa
La croyance dans la sorcellerie a toujours existé en Afrique, mais le Congo n’avait jamais connu le mythe de l’enfant sorcier, cela ne fait pas partie de sa culture. Ce phénomène ne s’est développé qu’au cours des années 1990, avec l’apparition de sectes religieuses et d’un exode rural occasionné par les difficultés économiques et les ravages de la guerre. L’extrême pauvreté et la misère indescriptible, souvent sans issue, qui frappent le Congo ont conduit les Congolais à s’accrocher aux églises, à toutes sortes de croyances et superstitions dans tous les domaines.
Ils sont des milliers d’enfants à être qualifiés de sorciers dans le pays. Les raisons sont toujours les mêmes : le chômage, le deuil, l’accident qui frappe la famille ou le voisinage ou tout simplement une pauvreté insoutenable. Les familles cherchent un bouc émissaire à leurs malheurs et le trouvent en la personne des enfants qu’ils ont en charge (orphelins ou enfants d’un précédent mariage..) et qu’on accuse alors d’être responsable de tous leurs maux.
Pour l’enfant accusé ainsi de sorcellerie, commence alors la maltraitance et la stigmatisation. Il est marginalisé, le clan le rejette et l’enfant est contraint de rejoindre la rue.
Ces abominations sont soutenues par les sectes qui pullulent à Kinshasa. Ces nouvelles églises y trouvent en effet un commerce très lucratif : le désenvoûtement se paye très cher. Ce sont les « pasteurs » eux-mêmes qui, la plupart du temps, détectent les mauvais esprits chez l’enfant et en font une victime expiatoire qu’ils ne demandent qu’à exorciser.
Nos objectifs
OSER LA VIE se donne 4 priorités :
1. La scolarisation
2. La prévention de l’exclusion des enfants en soutenant les familles démunies qui ont la charge des orphelins ou de tout autre enfant en plus de leurs propres enfants.
3. Le maintien en famille des enfants après leur réinsertion ainsi que l’accompagnement de la famille d’accueil.
4. La sensibilisation annuelle de la population locale sur les méfaits et l’aspect criminel des maltraitances engendrées par les accusations de sorcellerie sur des enfants.
Nous scolarisons actuellement 47 enfants Si notre action cesse aujourd’hui, ces enfants se retrouveraient inexorablement dans la rue.
Votre aide si petite soit-elle, est une bénédiction pour eux.
Notre action
« Près des berges du fleuve, les pêcheurs s’affairent dans leurs pirogues. Vient à passer au large un navire qui est visiblement en difficulté… et qui soudain se met à couler. Cris, plongeons de centaines de naufragés. La plupart des pêcheurs regardent impuissants : que peut leur pirogue pour ces centaines de personnes ? Mais un piroguier pagaye jusqu’au lieu du sinistre, et sauve cinq naufragés ! »
Notre bureau à Kinshasa détecte, surtout à l’école Bambou, les enfants vulnérables menacés d’exclusion sous prétexte de sorcellerie. Ce sont des orphelins ou des enfants délaissés après un divorce, dont plus personne ne paie le minerval, souvent même pas les soins médicaux ni le nécessaire vital.
Notre association prend en charge la scolarité et les soins médicaux de ces enfants dont le sourire a souvent disparu de leurs visages. Elle prend également contact avec leurs familles et les convainc de renouer les liens. Dans le cas où ces liens ne sont plus possibles, notre association recherche une famille d’accueil.
L’asbl OSER LA VIE travaille en partenariat avec d’autres associations qui ont de l’expérience dans l’approche des enfants des rues. Très présente sur le terrain, notre association repère les enfants vulnérables et préventivement les prend en charge en collaboration avec la famille d’accueil. Elle participe aussi au processus de la réinsertion sociale des enfants des rues et « dits sorciers ».
Au sein de cette institution, une écoute attentive et patiente de l’enfant suivie d’une médiation permet de rendre à l’enfant sa dignité. Ce long travail a pour objectif de rétablir une relation saine entre l’enfant et sa famille.
Campagnes de sensibilisation
Mais cette prise en charge n’est pas suffisante, notre association désire également s’attaquer aux véritables causes du problème : la croyance en la sorcellerie.
Elle s’allie et met en place toutes actions qui tendent à faire respecter le droit des enfants.
Vous trouverez dans la rubrique « action locale » un résumé des différentes actions entreprises sur le terrain.
Informations concernant l’association
En Belgique
Ahindo Osumbu (Mithé), présidente et fondatrice : âme et moteur de l’asbl, originaire du Congo, a toute sa famille à Kinshasa : c’est pourquoi elle n’a pas su rester indifférente quand elle a appris l’existence des enfants dits « sorciers ».
Marc Van Doren, vice-président.
Chantal Bukanga Kisele, conseillère et co-fondatrice : également congolaise, elle est d’un précieux secours pour bien des actions à mener.
Xavier Favresse, trésorier: ancien coopérant au Sénégal, il a aussi été touché par ces enfants et est dans les premiers à avoir rejoint l’équipe.
Cécile Lederer, assistante : organise les parrainages d’enfants et rempli de sa plume experte bon nombre des documents d’Oser La Vie.
Numéro d’agrégation: 867 832 175.
Date de création de l’association: 14 octobre 2004.
En République Démocratique du Congo
Armand Osesa Osumbu, administrateur général : notre cheville ouvrière à Kinshasa. Formé aux techniques d’éducateur de rue, il fait le lien entre tous nos partenaires et les enfants.
Prince Mputu, assistant.
EVOLUTION DE LA PROBLEMATIQUE DES ENFANTS DITS « SORCIERS » EN RDC
La problématique de la sorcellerie dans ses multiples approches et conceptions a déjà fait couler beaucoup d’encre à en croire l’abondante littérature scientifique disponible à ce sujet.
Selon les croyances africaines, il demeure évident que la sorcellerie est une réalité à la fois sociale et donc présente dans toutes les sociétés humaines, mais en même temps « métaphysique ».
En tant que réalité humaine, elle explique d’une certaine façon les relations entre les individus et les groupes sociaux.
En tant que réalité « métaphysique » la société confère à celui ou celle désigné(e) comme sorcier ou sorcière une certaine force lui rendant capable d’agir sur autrui. Dans l’imaginaire collectif partagé par plusieurs personnes, le sorcier est un individu « fort », il voit ce qui échappe aux individus ordinaires. « Le sorcier a, dit-on, quatre yeux ». Il est à cheval entre le monde ordinaire et « l’autre monde », le monde de la « nuit », celui des forces obscures.
Sous la couverture de la religion, les pasteurs se livrent à des soi-disant délivrances ou autres pratiques d’exorcisme (désensorcellement). Ce qui est grave, c’est que les victimes de ces pasteurs sont des enfants et au cours de ces pratiques certains enfants meurent, d’autres subissent des lésions corporelles. Par manque de législation en la matière, aucune sanction civile ou pénale en la matière n’était prévue. Cette pratique criminelle se faisait aux yeux de tous dans l’indifférence la plus totale de la part de la majorité des témoins.
Les accusations de sorcellerie à l’égard des enfants ont vu le jour vers les années 1991 et ont atteint leur sommet vers les années 1994.
Pour combattre ce phénomène les associations et la société civile ont pendant des années fait des sitting, des plaidoyers, des campagnes de sensibilisation pour dénoncer ces pratiques criminelles et demander de légiférer en la matière.
Notre première campagne de sensibilisation a vu le jour en 2007 sous l’initiative du théâtre de Poche de Bruxelles. Pour la première fois, le message clair réfutant catégoriquement les accusations de sorcellerie à l’égard des enfants était lancé avec le slogan : « un enfant, c’est pas sorcier !». Cette sensibilisation consistait essentiellement en des représentations théâtrales dans diverses écoles de la ville-province de Kinshasa.
En 2008, n’ayant pas obtenu un soutien financier escompté, nous avons organisé la campagne « porte à porte » Cette campagne était financée en partie par l’argent récolté lors de l’action sos Aristote1 et des dons divers. Malgré des moyens très limités, nous avons estimé inopportun de laisser une année sans sensibiliser. La Campagne « porte à porte » consistait à aller à la rencontre de la population : nous étions descendus dans la rue à la rencontre individuelle de la population, à qui nous avions distribué des autocollants avec le message « un enfant, ce n’est pas sorcier !» traduit en lingala « mwana azali ndoki te ». Ces autocollants étaient à placer sur des voitures, des espaces publiques, des propriétés privées etc. 4 ans plus tard il arrive de voir encore ces autocollants sur des véhicules ou des magasins.
Il fallait attendre jusqu’au 10 janvier 2009 pour que la loi portant protection de l’enfant voie le jour.
La procédure sur la loi avait débuté en 2007, où il était question de la rédaction de cette loi en faveur des enfants. Pour ce faire, les actions suivantes étaient indispensables :
la consultation des acteurs nationaux,
le plaidoyer auprès du gouvernement et du parlement,
Cette loi fut d’abord votée au mois d’aout 2008 au niveau des deux chambres (Assemblée nationale et Senat), pour enfin être promulguée, le 10 janvier 2009, sous le N°09/001 par le Président de la République Démocratique du Congo.
L’article 160 de cette loi interdit de porter les accusations de sorcellerie sur les enfants. Elle prévoit des sanctions civiles et pénales. Cette loi est un grand tournant dans la lutte contre cette forme de maltraitance longtemps ignorée. Son article 1602 est devenu un point d’appui pour la sensibilisation.
Depuis la promulgation de cette loi, la situation des enfants accusés de sorcellerie dans notre pays a connu une sensible amélioration. Les accusations de sorcellerie à l’égard des enfants ainsi que les pratiques criminelles d’exorcisme ont fortement diminué. Le Ministère des Affaires Sociales, de Genre et Famille accorde une attention particulière à tous les traitements infligés aux enfants.
Nous assistons à une baisse remarquable voire une disparition des émissions radio-télévisées ainsi que des prédications des pasteurs « homme de Dieu » qui clamaient haut et fort des messages sur la sorcellerie des enfants. Ce changement a un lien direct avec cette loi.
Nous reconnaissons que la loi portant protection de l’enfant a résolu un grand nombre de problèmes liés aux droits des enfants en RDC, mais, Il faut continuer à la vulgariser surtout dans l’arrière-pays car ce problème ne concerne pas uniquement la ville de Kinshasa.