Pour aider les enfants de Kinshasa.

Campagne d’opinion à Kinshasa « Un enfant, c’est pas sorcier ! »

Posté par oserlavie | Action locale, Actions | 31 janvier 2007

Roland Mahauden est directeur artistique du Théâtre de Poche à Bruxelles. Il est convaincu de la force de persuasion que son art peut exercer sur le public lorsqu’on lui propose du « théâtre engagé » aux deux sens du terme : celui de faire participer le public en l’invitant à réagir au cours de la pièce, et celui de véhiculer un message politique ou éthique.

Voilà qu’il s’attaque cette année à la problématique des maltraitances que certaines populations d’Afrique noire font subir aux enfants dits « sorciers ». Fruit d’une croyance coutumière, de l’ignorance des droits de l’enfant, et de la misère qui accule à des comportements extrêmes, l’accusation de sorcellerie touche beaucoup d’enfants de Kinshasa, de Lubumbashi et de l’est du Congo encore troublé par la guerre.

Roland s’allie à des associations locales actives dans la protection de ces enfants, dont « OSER LA VIE ». Il se met à construire avec elles un spectacle « engagé » dont le titre s’affiche sur les T-shirts noirs de tous les participants : « Théâtre de Poche – Un enfant, c’est pas sorcier ! ». 

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Il a souhaité commencer par le témoignage d’un enfant qui a vécu le parcours typique d’un enfant dit « sorcier ». C’est délicat, puisqu’il faut penser à préserver la vie privée de cet enfant. Lors de la première représentation, ce témoignage provoquera une polémique entre les organisateurs et les médias, très partagés sur le sujet.

Une petite fille de 13 ans se propose pour raconter sa propre histoire, tant elle a souffert d’avoir été traitée de sorcière. Elle s’est battue pour mériter le vocable d’ «
enfant récupéré », car celui d’ « enfant-sorcier » induit l’idée de disponibilité pour tous les rejets, les rackets, les délits, les viols… Lily -c’est son nom- raconte son parcours, mais bien vite, lors de la première répétition, croule, convulsée, sous l’émotion. Roland confie alors à Carine, une jeune comédienne, le rôle de « doubler » Lily : elle racontera, à la première personne du singulier, « je », assise aux côtés de Lily, la vraie. Et quand celle-ci désirera exprimer elle-même un passage de son vécu, elle se lèvera, munie de son micro.

Lily a perdu son papa et suit sa maman lorsqu’elle se remarie. Voilà que la maladie vient frapper un enfant du nouveau couple. Le pasteur, consulté, ne tarde pas à la désigner comme la cause du mauvais sort jeté sur le petit. Il se charge de la « désenvoûter ». Ses sévices sont tels que Lily s’enfuit et erre des semaines dans les rues du quartier. Elle mendie sa subsistance, qu’on ne lui accorde bien souvent qu’au prix de viols.

L’émotion du public est au comble. Suit alors la pièce, où l’on voit une marâtre maltraiter un enfant, le ceindre d’un vieux pneu et faire mine d’y mettre le feu.

L’indignation du public l’en empêche. Lorsque la pièce s’achève, et qu’il est d’usage d’applaudir, la comédienne ayant tenu le rôle de la marâtre est littéralement huée. Il faut calmer les gens, leur rappeler que c’était du théâtre, et on doit la flanquer de deux solides gardes du corps.

En sortant, nombreux sont ceux qui avouent avoir vécu eux-mêmes des situations semblables dans leur entourage.

Le spectacle n’a pas manqué de dénoncer l’influence néfaste de pseudo-pasteurs des églises de réveil, qui vendent leurs exorcismes. Lors de la première répétition, dans une église de Masina, le pasteur cria à la profanation des lieux saints. On le calma, on le raisonna. C’est ainsi qu’il devint le premier pasteur à arborer le T-shirt de la campagne « Un enfant, c’est pas sorcier ! »

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En fonction des budgets alloués par le CGRI (Commissariat Général –de la Communauté Française- aux Relations Internationales), on a dû limiter le nombre de représentations à 24 à Kinshasa, 12 à Bukavu et 12 à Kisangani. La demande est bien plus forte, mais… à moins qu’un mécène ne se manifeste.

Ensuite, l’équipe projette de terminer la campagne le 16 juin, lors de la Journée Internationale de l’Enfance Africaine « IDAY ». Elle cherche à organiser pour ce jour là une manifestation d’enfants qui se rendrait au Parlement et au Ministère de la Justice. Cortège ou « sitting », selon que les autorités l’auront agréée ou pas. On
jouera la pièce, si possible devant les parlementaires, et on leur remettra une pétition réclamant l’établissement d’un arsenal d’arrêtés d’exécution et de sanctions pour faire appliquer la récente loi de protection des enfants.

Et au public, les manifestants et leurs T-shirts répéteront inlassablement « Un enfant, c’est pas sorcier ! »

Epilogue : Lily a d’abord été recueillie à la MHED, Maison d’Hébergement pour Enfants en Difficulté, au sud de Kinshasa. Puis on lui a trouvé une famille d’accueil,
des enseignants dont les propres enfants sont déjà « casés ».

Bonne route, petite Lily ! Que ton témoignage et toute la campagne épargnent à tous les autres la cruauté de ton parcours.

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